J’ai toujours détesté cette expression maternelle. Mais bon, ma mère, elle, elle l’a suivie à la lettre puisqu’elle est toujours en vie et pratiquement en plein forme à 90 ans. 0 médicament (je vous le jure), jamais opérée, jamais de séjour à l’hôpital sauf pour ses deux accouchements. Rien, niet, nada. Ça nous fait d’ailleurs un peu (beaucoup) envie Fifille, opérée par deux fois avant 25 ans, et moi, diagnostiquée malade chronique à 50. Elle a aussi toffé, c’est le cas de le dire, 33 ans de vie commune avec mon cher père. Ce qui, en soit, est déjà un grand exploit. L’inverse étant vrai aussi.
Par contre, elle trouve ça difficile, l’arrière-mamie, la vie en tant de pandémie. Déjà très peu sociable de nature, elle s’est encore refermée, comme une huître têtue, depuis le printemps dernier. Mais elle a conservé tout son caractère entêté, digne héritage de son côté maternel et qui a fait grandement suer mes oncles et tantes aux prises, il y a plusieurs années déjà, avec leur propre mère récalcitrante. Une maîtresse-femme ayant toute sa tête, mais bien peu de mobilité, à 95 ans.
C’est donc notre tour, à ma sœur et moi, de nous dépêtrer avec une aînée fragilisée, mais qui se croit irréductible. Aperçu de nos « échanges » téléphoniques :
Je mange mes trois repas par jour.
Ta sœur m’appelle tous les matins.
Elle appelle aussi chez Métro pour ma commande.
Je sors pas, j’ai pas de visite.
Je suis toujours toute seule.
Qu’est-ce que tu veux qui m’arrive.
Ça fait six mois que j’ai 400$ dans mon porte-monnaie.
J’appelle ton Fiston, pis il ne répond pas.
C’est doll en chien.
Tu devrais venir plus souvent. Tu restes à côté.
Devant ce constat déprimant et appréhendant l’automne et l’hiver encore plus, ma sœur, Fifille et moi, on a donc décidé d’organiser un peu l’aïeule : appels de sécurité quotidiens et popote roulante pour commencer. Ça lui fera de nouvelles interactions, outre celles de la famille, qu’elle trouve bien ingrate et bien éloignée. Eh bien, peuf peuf peuf. De quoi on s’est mêlé, veux-tu ben me dire? Elle va bien. Elle n’est pas rendue là. Point.
Quand ta mère de 90 se plaint que personne ne l’appelle et qu’elle s’ennuie, mais qu’elle refuse les appels de sécurité d’un organisme de soutien, respire à fond. Tu en as encore pour des mois.