Moi, quand l’Amoureux conduit sa bagnole, j’aime bien mieux être dedans, avec lui, que devant lui dans une autre voiture. Car s’il a bien des qualités et tout de même plus de patience que moi en général (ce qui n’est pas bien difficile, j’en conviens), il se transforme légèrement au volant lorsqu’il a le grand malheur de devoir suivre sur plus d’un kilomètre un chauffeur ou une chauffeuse du dimanche qui ne roule pas assez vite à son goût. La galère, quand même. Lui qui est déjà bien silencieux ne souffle plus un mot : l’heure est grave. Il doit demeurer concentré pour ne pas manquer le tant attendu futur espace de dépassement.
Du coup, lorsque nous parcourons ensemble les kilomètres qui séparent son domicile du mien, le dicton que ma chère mère aimait bien nous répéter à ma chère sœur et moi lorsque nous étions dans ses jambes, me revient. Range-toi Caillette, ou en plus clair mais en moins poli envoye, dégage, déguidine, me paraît en effet très bien s’appliquer à ce que pense l’Amoureux dans ces moments plus que pénibles où il doit endurer un lambin ou une lambine tout juste devant son parechoc avant. Et quand j’écris tout juste devant, je veux dire tout juste devant. Parce que l’Amoureux, son impatience, il aime bien la faire sentir au malheureux ou à la malheureuse qui le précède sur les routes bucoliques de Chaudière-Appalaches.
Or, pour moi qui ne conduis que très rarement et avec grande prudence (je suis un peu pissouse en voiture je l’avoue), c’est plus que facile de m’identifier à la tortue qui fait tant rager mon compagnon. Et je me mets à rêvasser (nous ne parlons pas de toute façon, fait que…).
Imaginons que mon as du volant et moi, on ne se connaît pas. Me voilà donc, aux commandes de ma rutilante Yaris 2007, cadeau de ma chère mère, sillonnant les routes de sa contrée sans me douter que, tout juste derrière moi, il n’attend que l’occasion de me dépasser. L’opportunité se présente enfin. Vroum! Il est parti. Quel dommage quand même! À cette vitesse, il n’aurait pu avoir le temps d’être frappé, voire subjugué, par mon panache et notre rencontre n’aurait pas eu lieu. Que de beaux moments perdus…
Revenons sur terre. Car heureusement, l’Amoureux et moi, nous nous sommes croisés pour la première fois non au volant, mais plutôt lors d’une épreuve très amicale de course à pied. J’y étais avec une amie qui est aussi une amie à lui (vous me suivez?). Or donc, mon amie B. et moi prenons le départ, peinardes, simplement heureuses de trottiner ensemble en papotant de choses et d’autres (surtout de la vie de l’Amoureux que nous venions de croiser). Il me racontera plusieurs semaines plus tard qu’il nous avait dépassées deux fois, ventre à terre, au fil du parcours. Vroum! Pas vu. Mais lui, par contre, puisqu’il était à pied et non motorisé (et que nous n’allions pas vite vite, il faut bien le dire), il avait eu tout le temps d’admirer mon élégance et de soupeser ma foulée. Fiou! Ouf! Quelle belle histoire…
Quand ton amoureux est un peu impatient au volant, ferme les yeux, détends-toi et prie pour qu’aucune autre voiture ne se retrouve devant la sienne. Vous aurez alors peut-être l’occasion de discuter un peu de choses et d’autres à votre tour.