Ma grand-mère maternelle, maîtresse-femme bien de son époque, avait, elle aussi à ses heures, un langage assez coloré. Grande érudite et pourvue de capacités intellectuelles phénoménales, elle était très impressionnante, au sens propre comme au figuré, pour la petit fille que j’ai déjà été.
Voici quelques échantillons triés sur le volet de ses dictons si savoureux :
Mon préféré, l’exquis : Qu’est-ce que le mariage? De la pisse pis de la marde.
Cet énoncé sans appel et un peu vulgaire, je l’ai toujours aimé, bien qu’il me faisait peur un peu, lorsque j’étais adolescente. Disons que la perspective d’une éventuelle union n’était pas très réjouissante. Aujourd’hui, il me fait sourire. Venant d’une femme ayant eu dix enfants et qui les avaient élevés le plus souvent toute seule, mon cher grand-père oeuvrant au loin dans les chantiers, il était certainement très à propos.
En 2e position, celui d’une autre époque : T’as pas voulu faire un curé, ben travaille!
Celui-là, j’aime bien le ressortir à l’occasion aux hommes de mon entourage qui se plaignent du trop-plein de tâches à accomplir. À l’Amoureux, par exemple et même s’il ne rechigne pratiquement jamais, pour lequel un projet n’attend pas l’autre. Au début, il prenait la peine de me signaler que les curés, ils travaillaient aussi dans le bon vieux temps. Ou du moins, certains d’entre eux. Mon oncle A. ne faisait pas partie de ceux-là. Curé-princesse un peu (beaucoup) pédant, il ne se faisait pas mourir avec les tâches domestiques. Il avait une servante pour ça. Et déjà toute petite, ça m’énervait au maximum.
En 3e position, celui dont j’ai un peu honte et que je ne répète jamais : Un homme, c’est niaiseux, mais c’est pratique.
Je le sais, je le sais que ça n’a vraiment pas d’allure de dire ça. Mais ma chère mère, qui en perd des bouts, ne l’a jamais oublié, cette maxime, et nous la ressert à l’occasion. Pourtant, son mari, mon cher père, était vraiment loin d’être niaiseux, et encore plus loin d’être pratique. C’était le type intellectuel, et pas du tout manuel, ce qui a fait enrager son épouse toute sa vie. À l’occasion, il faisait des efforts (comme essayer de changer lui-même une ampoule), sans doute pour adoucir le climat. Je me rappelle que ça se terminait toujours de la même façon : il avait un sparadrap (ou un plaster, en plus clair) quelque part.
Quand tu as la chance que des dictons familiaux se soient rendus jusqu’à toi, fais-en aussi cadeaux à tes enfants. Ce sont des perles, des trésors, qui ne peuvent disparaître avec toi.