Le mal des transports et moi

Tant qu’à parler de honte parentale, allons-y encore plus à fond. Alors, quand j’étais toute petite, je souffrais de ce qu’on appelle le mal des transports. En clair, je vomissais à chaque fois que nous allions quelque part un peu plus loin que le coin de la rue en famille. Ah! Que de beaux souvenirs! Sûrement encore davantage pour ma chère sœur, qui partageait la banquette arrière de la voiture familiale avec moi, et pour ma chère mère, responsable de ramasser les dégâts. On aura compris que mon cher père, qui conduisait évidemment la bagnole, était épargné de cette tâche.

À bien y repenser pourtant, il était peut-être grandement responsable de mon état, puisqu’il fumait comme un pompier, les vitres fermées (ma chère mère ayant une peur bleue des courants d’air) pendant tout le trajet. Je me souviens aussi de la toute dernière fois où ça m’est arrivé. Nous étions pratiquement à destination, aux portes de la maison de ma grand-mère parternelle. C’était la fête dans la voiture : enfin, un périple sans encombre. Eh non! Il ne faut jamais crier victoire trop à l’avance : j’ai vomi alors que nous tournions le dernier coin de rue. Pouet, pouet, pouet.

À bien y repenser aussi, il y avait sans doute des bribes d’anxiété, digne héritage de mon cher père, là-dessous. Parce qu’en fait, ça n’arrivait pas que dans la voiture, mais souvent aussi lorsque nous étions ailleurs.

Je me souviens notamment d’un repas partagé avec le fameux monseigneur (il devait être stressant) ami de mon père, dans le chic restaurant d’un hôtel de Montréal. La serveuse avait eu le grand malheur de me servir un immense verre de lait tiède. Résultat : j’ai vomi tout mon déjeuner directement sur la table et sans préavis. Oups! Ayoye! La honte encore une fois. Je ne me souviens pas trop de la suite, sinon que ma mère (la chanceuse) m’avait attrapé par la main et fait monter le lonnnnnnnnnnng escalier de l’hôtel jusqu’à notre chambre pratiquement sans que je ne touche terre.

Bref, je vous fais grâce de toutes mes autres mésaventures, mais tout ça doit expliquer mon grand dégoût du vomi. Ça doit expliquer aussi pourquoi j’ai tant répété à Fiston, qui aimait bien festoyer avec ses amis dans le bon vieux temps pré-covid, qu’il était interdit de vomir dans mon cher appartement. À moins d’être au prise avec une gastro. Quand même, je peux faire preuve d’un peu de tolérance. Eh bien, mon héritier s’est rappelé de ma consigne un certain soir en rentrant d’une soirée bien arrosée. Le lendemain midi, tout fier à son lever du lit, il m’a dit : La Souris, j’ai pas vomi dans notre terrier. J’ai vomi dehors, sur le perron de notre immeuble. Hum.

Du coup, j’ai compris qu’il me faudrait être encore plus précise dans mes instructions à Fiston et j’ai pensé à la tronche qu’ont dû faire les gardiens de sécurité en visionnant ses déboires en direct sur leurs écrans de surveillance.

Quand tu donnes des instructions à tes enfants, sois bien certaine de mettre les points sur les « i », même s’ils sont adultes. Sinon, tu pourrais avoir des grosses surprises.