Malgré le fait que mon cher père était tout un moineau et que les hommes de sa génération (il aurait eu 100 ans cette année) n’étaient pas des pères très présents pour leurs enfants, il avait, pour ma chère sœur et moi, un amour et une fierté qu’on pouvait sans doute ressentir des milles à la ronde. Et ça faisait du bien. J’ai toujours pensé que, comme il nous avait eu sur le tard, il devait s’être résigné à ne pas avoir d’enfant. Nous étions des miracles en quelque sorte. Hommes sérieux et réservé, il avait ses façons bien à lui de nous témoigner son affection.
Des souvenirs
Par exemple, lorsque ma mère, excédée par le fait que j’éventrais un jouet pour savoir comment ça marche et me traitait de brise-fer, lui, il voyait plutôt que j’étais curieuse et m’en achetait un autre. Toute petite déjà, je ressentais la complicité qui nous unirait jusqu’à la fin et qui me manque tant depuis sa disparition.
Pour nous faire rire, il cachait nos toutous sous les couvertures, au bout de notre lit. Ma chère sœur et moi, on les voyait, bien sûr, mais c’était une entente tacite. On faisait semblant d’être surprises, tellement on était contentes qu’il prenne du temps pour nous.
Ça lui arrivait aussi de nous préparer un cornet de crème glacée. Il prenait plaisir à mettre plein de caramel au fond, sans nous le dire à l’avance, bien sûr. Ça me rappelle qu’il aimait bien aussi préparer de gros desserts cochons aux jeunes frères de ma mère, lorsqu’ils venaient nous visiter.
Plus tard, alors que nous étions adolescentes, il faisait sa tournée à la tabagie le samedi et nous ramenait un petit sac brun, plein de palettes de chocolats (nos préférées) et de revues à potins que nous dévorions par la suite.
C’est peu de choses me direz-vous. Mais ce sont des perles de bonheur, pour moi, ces souvenirs enfantins.
Quand tu penses à ton père disparu, fouille, allez, creuse ta mémoire pour y dénicher toi aussi tes propres perles de bonheur. Du coup, tu ressentiras à nouveau toute la tendresse avec laquelle il t’enveloppait.