L’héritage de mon oncle

Durant mes années plus rebelles pré et post séparation, je me suis acheté plusieurs breloques en or chacune représentant quelque chose de significatif pour moi à l’époque : une coureuse, bien sûr, une mini tour Eiffel acquise en 2014 lors de mon premier vrai voyage à Paris avec une amie (j’ai offert la même à ma chère sœur pour ses cinquante ans), un palmier (j’ai une grande passion pour les palmiers depuis mon tout premier séjour en Floride), un gant de boxe et le symbole om du yoga. Je les portais toutes en même temps, réparties sur trois chaînes en or qui ont pendu à mon cou pendant des années. Les tumultes s’étant apaisés, ce temps est révolu et je les ai abandonnés un à un, mes ornements, sauf la plus petite des chaînes que je porte toujours, car le petit cœur en or offert par Fiston en personne il y a plusieurs années déjà, y est attaché.

Or, parmi ces parures, je portais fièrement une longue chaîne, héritage (façon de parler, on verra plus bas) de mon cher oncle Raymond, frère de mon père et le dernier de la lignée paternelle à disparaître. Je l’aimais beaucoup cet oncle qui avait séjourné de longues années en Afrique en raison de ses activités pédagogiques de Frère des Écoles chrétiennes. Et c’était une fête pour ma chère sœur et moi lorsque nous étions enfants de recevoir ses présents, parfois peu ordinaires j’en conviens, à nos yeux de citadines. Je me souviens notamment d’un tapis en peaux d’antilopes qui embaumait un peu trop à notre goût ainsi qu’à celui de notre chère mère. Mais bon, je m’égare. À la suite son décès, les quelques possessions qu’il avait ont été très rapidement réparties entre les membres de la famille présents lors de la célébration. La fameuse chaîne qu’il avait eu au cou jusqu’à la fin était là, devant moi mais je n’osais pas m’avancer pour la prendre. Je suis de nature timide voyez-vous. Voyant mon embarras, ma chère mère, à qui j’avais confié mon désir de la porter, m’a donc encouragée à affirmer cette volonté, une bonne poussée dans le dos à l’appui. Fiou! Ouf! Merci! Grâce à elle, je l’ai eu cet héritage d’une valeur inestimable pour moi…

… et pour Fiston, grand amateur de bijoux s’il en est et qui a été le seul enfant à accompagner mon cher oncle (qu’il aimait bien taquiner) lors de ses dernières heures, Fifille étant déjà aux portes de l’adolescence. C’est donc tout naturellement que j’ai fait inscrire sur mon testament que la chaîne en question reviendrait à Fiston une fois que je serais disparue à mon tour. Eh bien, je ne sais pas si je sens ma mort, comme le dirait ma chère mère, mais j’ai choisi de me délester un peu de mon vivant. Et, comme on sait, Fiston m’ayant aidé grandement à me dépatouiller dans WordPress pour que mes chères tribulations puissent voir le jour, je me devais de lui trouver un présent à la hauteur de ses valeureux efforts. Et pas trop coûteux, le présent, because un implant, ça coûte cher. Tout à coup, l’illumination : je repense au bijou promis que je ne porte plus depuis quelque temps déjà et je me dis que Fiston, bien qu’il n’en ait pas toujours l’air, est lui aussi un grand sentimental. Et comme il connaît bien sa mère, il l’appréciera à sa juste valeur, son héritage, car il saura qu’elle va me manquer, cette chaîne qui m’a accompagnée nuits et jours durant des années difficiles.

J’avais raison. Fiston et sa Chérie sont venus me visiter hier (on est resté dehors bien sûr) pour qu’il puisse enfin récolter ses cadeaux de Noël. Et bien que j’aie dû lui offrir sur le trottoir (!), il était content, mon héritier, en découvrant LA chaîne. Je n’ai pas eu besoin de le lui dire : il sait bien comment il m’en a coûté de m’en séparer.

Quand tes enfants sont en mesure d’apprécier ce que tu leur offres, allez donne et donne encore. Ils te l’ont rendu déjà et te le rendront encore au centuple.