Ces jours-ci, et depuis plusieurs mois déjà, on a du temps chez soi comme jamais. Dans un tel contexte où mon grand désir d’être ailleurs est relativement muselé, je me surprends à entreprendre des choses qui traînaient depuis longtemps. Me voici donc, par un beau samedi après-midi, bien installée au gros soleil sur le radeau déserté par Fiston (mon divan), à farfouiller encore une fois dans mes reliques soit, cette fois-ci de vieilles lettres d’amour/d’amitié, des cartes postales reçues il y a belle lurette, des cartes d’anniversaires qui remontent elles aussi au bon vieux temps, bref, ce genre de trucs.
Comme le temps a filé, j’ai des surprises, bien sûr. J’avais oublié que certaines amies et moi on s’était écrit assez régulièrement à l’époque très lointaine de notre adolescence. Même chose pour les échanges avec mes tout premiers amoureux, lors des vacances annuelles familiales qui nous éloignaient pour quelques semaines. Et parmi ces trésors, les mots de mon cher père m’étonnent particulièrement. Et je l’avoue bien tristement, alors qu’ils auraient dû résonner davantage en moi, ils n’évoquent aucun souvenir tant j’ai dû les parcourir en vitesse et en diagonale à l’époque.
Chaque année ou presque, à mon anniversaire, cet homme que j’ai toujours vu si sérieux (sauf quand il se moquait de ma chère mère), voire sévère, me souhaitait en effet toujours la même chose : surtout, réalise tes rêves. Ouf! Ce n’est quand même pas rien et du coup, je me demande bien sûr si je l’ai accompli, ce souhait paternel, mais surtout si, lui, avait suivi son conseil et réaliser ses propres rêves. À ce propos, je ne peux que spéculer : mon cher père est décédé depuis plus de vingt-cinq ans et toute sa fratrie est disparue elle aussi. Quant à ma chère mère, j’ai bien essayé de la questionner un peu, mais c’est déjà trop loin pour elle et je ne suis vraiment pas certaine que la communication était maximale entre les deux époux.
En plus, je ne suis pas très fière de l’écrire, mais lorsque mon père tentait d’évoquer son passé de célibataire (il s’était marié à 41 ans, il en avait donc long à dire) dont son fameux séjour de quelques années à Washington, nous étions plus emmerdées, ma chère sœur et moi, que véritablement curieuses. Le résultat : je n’ai aujourd’hui aucune idée de ce qu’il avait bien pu aller faire là-bas et toutes mes questions demeurent sans réponse. Et c’est pratiquement la même chose pour les années qui ont précédé et suivi ce fameux séjour. En fait, je ne sais vraiment pas grand-chose sur mon père, sur l’homme qu’il était, ses aspirations profondes et ses rêves justement.
Aujourd’hui, si c’était encore possible, je les écouterais et les réécouterais ses histoires de jeunesse, de père de famille et d’homme plus mature. Et j’ai bien l’impression qu’il aurait aimé aussi connaître les miennes, mes histoires. Je ne peux rien y faire, bien sûr, mais quand j’en ai l’occasion, je questionne mes chères tantes maternelles avec grand bonheur (elles se souviennent de beaucoup de choses) pour qu’elles me racontent les tours et détours de leur jeunesse.
Quand tes parents essaient de te raconter un pan de leur passé lointain, écoute bien même si ça peut t’ennuyer profondément sur le coup. Ces souvenirs te seront précieux une fois que tu auras vieilli et que, toi aussi, tu souhaiteras que tes héritiers te connaissent davantage.