Heureux les creux

Mon cher papa était un homme sérieux, ce qu’il ne l’empêchait pas de nous servir régulièrement ses dictons préférés. « Heureux les creux », sans la suite bien connue, était l’un ceux-là. Et je l’ai adopté. Car non seulement ils sont heureux, les creux, mais je les envie, moi qui m’informe sur tout, vois tout, entends presque tout, devine et anticipe pratiquement tout. Je me dis qu’ils doivent avoir le cerveau, et la vie au passage, nettement plus léger. Vérifier pour ne pas se tromper (j’achète tu ci ou ça plutôt?), lire, lire et lire encore en les comparant les avis des consommateurs et des voyageurs, cuisiner en combinant différentes recettes entre elles pour arriver à mieux, eh bien tout ça, ça prend un temps fou.

Les anecdotes

Parlons consommation. Aujourd’hui, pour être bien certaine de ne pas se faire avoir, de faire des choix bien éclairés, bref d’agir en consommatrice responsable, il faut avoir du temps devant soi. Et de l’énergie. Et de la patience. Comme je manque souvent des trois, c’est souvent la galère. Heureusement, j’ai un petit côté frugaliste. Ça me sauve la vie.

Des exemples

Vous commencez à courir et vous souhaitez vous acheter une chaussure de course. Jusque-là, on se comprend. Mais attention, avant de vous offrir en pâture aux jeunes marathoniens en pleine forme (qui vont peut-être vous regarder de haut) aussi conseillers en boutique, réfléchissez bien, plusieurs questions vous seront posées :

Depuis quand courez-vous? Comment courez-vous? Sur le talon? Le bout du pied? Combien de fois par semaine? Pour quelle épreuve vous entraînez-vous? Courez-vous sur la route? En sentier? L’hiver aussi? Heu…

Bref, attelez-vous comme on dit. Et tentez de garder une certaine contenance même si vous brûlez d’envie de déguerpir sur le champ. C’est un mauvais moment à passer et vos souliers de rêve sont tout près. Respirez.

Même chose pour les vacances. Dans le bon vieux temps, comme le disait Fiston lorsqu’il était tout mini, on appelait pour réserver un hôtel et on se croisait les doigts pour qu’il ne soit pas situé directement sur l’autoroute, dans un quartier peu recommandable ou, le cauchemar, près de la dompe locale. C’était un peu risqué, j’en conviens, mais ça prenait cinq minutes. Aujourd’hui, pour trouver un hôtel pas cher à Miami pour y passer deux petites nuits (ça aussi, c’était dans le bon vieux temps), ma sœur (nettement plus résistante que moi) a eu ma peau en naviguant pendant de longues minutes sur des sites bien connus :

On pourrait aller là, mais c’est un peu loin de la mer. Par contre, le parking est gratuit. On serait peut-être mieux d’aller là, c’est proche de tout. Par contre, le parking coûte un bras. Ah non, on ne peut pas y aller, y en a un qui dit qu’il a vu des coquerelles.

Une vraie torture. Je vous jure que j’étais sur les genoux et littéralement écroulée sur la table de la florida room de son condo après trente minutes de ce genre de discussion. Que quelqu’un décide. Ce sera parfait. Moi, j’ai la tête qui m’éclate.

C’est pour la même raison, pour avoir la paix d’esprit et ne pas avoir de guide de voyage dans les mains à temps plein, que j’ai tant apprécié mes séjours à Pompano avec ma chère sœur. Comme elle y séjournait annuellement, elle connaissait le coin et moi, je me laissais porter par ses décisions. Le bonheur. J’en ai peut-être manqué des attractions, de bons restos ou des coins superbes, mais au moins, j’étais hors tension.

Pour ne pas y laisser sa peau quand on ne fait malheureusement pas partie des creux de ce monde, il y a donc une solution : se trouver des experts, des guides auxquels on a confiance et dont on suivra les conseils quasi-aveuglément. C’est ma solution en tout cas. Et quand j’en rencontre un, croyez-moi, je lui suis plus que fidèle. Et je le recommande à tous mes amis

Quand tu ne veux pas te casser le bicycle quotidiennement à chacune des décisions que tu dois prendre, garde l’œil ouvert et informe-toi plutôt au sujet des experts de ton coin. Fais-leur ensuite confiance. Tu verras, ça te fera un bien fou.